Le solaire premier pôle d’investissement des énergies dans le monde mais le fossile toujours en croissance

Le rapport annuel 2023 de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) met en évidence l’engouement de plus en plus marqué des investisseurs pour les énergies renouvelables au niveau international.  

Le solaire devrait, pour la première fois, dépasser le pétrole en termes d’investissements. Faut-il pour autant s’en réjouir ? Le constat est mitigé puisque les énergies fossiles continuent de connaître une période faste avec des bénéfices records l’année passée.  

Cela témoigne d’une demande énergétique toujours plus importante dans un contexte où la sobriété est la seule issue possible pour un monde habitable…   

(Pour consulter l’étude dans son intégralité).  

Analyse de notre Président Olivier Houdaille. 

 

  1. Le solaire, premier pôle d’investissement dans le domaine des énergies en 2023 ? 
  2. 2022 : Une année extrêmement rentable pour les énergies fossiles 
  3. Les ventes record de véhicules électriques sont-elles une bonne nouvelle ? 
  4. L’écologie sans sobriété a-t-elle un sens ? 

 

Le solaire, premier pôle d’investissement dans le domaine des énergies en 2023 ? 

En comparant les estimations pour 2023 de l’AIE aux données collectées en 2021, les investissements annuels dans les énergies « propres » (énergies renouvelables, nucléaire, réseaux électriques, stockage, carburants à faibles émissions, améliorations de l'efficacité énergétique, électrification des usages) ont augmenté beaucoup plus rapidement que les investissements dans les énergies fossiles sur cette période (24 % contre 15 %).   

Au total, environ 2,8 trillions de dollars seront investis dans l'énergie en 2023. Plus de 1,7 trillions de dollars iront vers les énergies propres.  

 

Le trillion, pour les Américains correspond chez nous à 1000 milliards de $. Pour comparatif la dette de la France s’élève à 3000 milliards d’euros en 2022. 

 

Le reste, légèrement plus de 1 trilliard de dollars, iront vers l'approvisionnement en combustibles fossiles, dont environ 15 % vers le charbon et 75% vers le pétrole et au gaz.  

Pour chaque dollar dépensé dans les combustibles fossiles, 1,7 dollar est désormais dépensé dans les énergies propres. Il y a cinq ans, ce ratio était seulement de 1 pour 1.  

D’après les experts de l’AIE, les investissements dans les énergies propres ont été stimulés par différents facteurs. Des instruments de régulation tels que la loi américaine sur la réduction de l'inflation couplés aux nouvelles initiatives en Europe, au Japon et en Chine ont provoqué une convergence des objectifs climatiques et de sécurité énergétique, en particulier pour les économies dépendantes des importations.  

En 2023, les sources d'énergie à faibles émissions devraient représenter près de 90% des investissements totaux dans la production d'électricité. L'énergie solaire arrive en tête avec plus d’1 milliard de dollars investi par jour en 2023, soit 380 milliards de dollars pour l'année dans son ensemble.  

 

Avec 1md€, on construit, à ce jour, environ 1GW de puissance en solaire, ce qui représente, grosso modo, 1 500GWh =1,5TWh d'énergie. Cela conduit donc à une puissance de 500TWh investie.1 La consommation mondiale d'électricité en 2021 étant de de 27 520 TWh2. 

 

 

 

2022 : Une année extrêmement rentable pour les énergies fossiles 

 

 

2022 a été une année extraordinairement rentable pour de nombreuses entreprises de combustibles fossiles. Les bénéfices nets des ventes de combustibles fossiles ont plus que doublé par rapport à la moyenne des dernières années. Les producteurs mondiaux de pétrole et de gaz ont perçu environ 4 milliards de dollars. 

Basée sur l'analyse des plans de dépenses annoncés par toutes les grandes et moyennes entreprises pétrolières, gazières et minières, l’interprétation de l’AIE est la suivante : les investissements dans l'approvisionnement en combustibles fossiles non transformés devraient augmenter de plus de 6% en 2023, atteignant 950 milliards de dollars au total. 

La plus grande part de ce total est destinée au pétrole et au et gaz, où les investissements devraient augmenter de 7% en 2023 pour dépasser 500 milliards de dollars, ramenant cet indicateur à des niveaux similaires à ceux de 2019. Il est à noter, toutefois, qu’environ la moitié de cette augmentation devrait être absorbée par l'inflation des coûts. 

De nombreuses grandes entreprises pétrolières et gazières ont annoncé des plans de dépenses plus élevés grâce à des revenus record générés en 2022. Cependant, les incertitudes concernant la demande à plus long terme, les inquiétudes concernant les coûts et la pression de nombreux investisseurs et actionnaires pour se concentrer sur les rendements plutôt que sur la croissance de la production font que, seules les grandes compagnies pétrolières nationales du Moyen-Orient dépenseront beaucoup plus en 2023 qu'en 2022.  

Ce sont pourtant ces grands groupes qui sont le plus susceptibles d’inverser la tendance. Non seulement parce qu’ils en ont les capacités matérielles et stratégiques mais également parce qu’ils sont les plus gros pollueurs. Leur responsabilité est donc double.   

L'investissement de l'industrie pétrolière et gazière dans des sources d'énergie à faibles émissions représente moins de 5% de son investissement total. L'investissement de l'industrie dans des carburants propres, tels que la bioénergie, l'hydrogène et la capture et le stockage du CO2 augmente bel et bien mais généralement pour répondre aux politiques locales contraignantes (quand elles le sont…).  

Soyons lucides, ces investissements restent très en deçà de ce qu’il faudrait pour espérer atteindre les objectifs en faveur du zéro émission nette fixés par l’ONU. Le plus crispant étant de voir les campagnes de communication trompeuses de certaines de ces compagnies affirmant les efforts fait dans ce sens lorsqu’ils ne correspondent qu’à une goutte d’eau éco-responsable au cœur de la marée noire.  

L’AIE prévoit d’ailleurs une hausse de 10% des investissements dans l'approvisionnement en charbon en 2023, un chiffre nettement supérieur aux niveaux d'avant la pandémie. Les investissements dans de nouvelles centrales électriques au charbon continuent de diminuer, mais un signal d'alerte est apparu en 2022 avec l'approbation d’une capacité supplémentaire de 40GW de nouvelles centrales au charbon, un chiffre record depuis 2016. 

Business as usual donc…  

 

 

Les ventes record de véhicules électriques sont-elles une bonne nouvelle ? 

 

 

Les ventes record de véhicules électriques et les investissements importants dans les solutions de stockage sur batteries (qui devraient approcher les 40 milliards de dollars en 2023, soit près du double du niveau de 2022) ont suscité une vague de nouveaux projets de fabrication de batteries lithium-ion dans le monde entier. Si tous les projets annoncés devaient se concrétiser, une nouvelle capacité de 5,2 TWh pourrait être disponible d'ici 2030. 

Pour l'instant, la Chine reste le principal producteur mondial de batteries. En 2022, plus de 75% de la capacité de fabrication de batteries existante était située sur le sol chinois.  

Une question clé pour les fabricants de batteries est de savoir si les approvisionnements en minéraux stratégiques pourront suivre la demande. Les investissements dans l'exploitation minière de ces minéraux ont par ailleurs augmenté de 30% en 2022.  

Les dépenses d'exploration ont également augmenté, notamment pour le lithium, le cuivre et le nickel, avec le Canada et l'Australie en tête, et des activités en croissance constante au Brésil et dans les pays africains riches en ressources.   

Les minéraux stratégiques et les batteries font partie des domaines où l'innovation est prioritaire pour réduire l’empreinte carbone de ces activités et espérer développer des technologies réellement « propres », ce qui est loin d’être le cas actuellement.  

S’il est vrai que la construction d'une voiture électrique émet plus de CO2 que celle d'une thermique, le différentiel de CO2 est largement compensé lors de l'utilisation. Le cabinet de conseil sur les enjeux énergétique et climatique Carbone 4 a établi que sur sa durée de vie une voiture électrique émettait globalement 3 à 4 fois moins de CO2 que son équivalent thermique.3 

« Nos évaluations montrent qu'il faut rouler autour de 30 à 40.000 km (soit 2 à 3 ans d'utilisation pour un usage moyen) pour que le bilan carbone d'une voiture électrique devienne meilleur que son équivalent thermique ». 

 

Par honnêteté intellectuelle, il est cependant nécessaire de rappeler les limites actuelles des véhicules électriques : 

  • La production de batteries au lithium-ion nécessite l'extraction de métaux comme le lithium, le cobalt et le nickel, qui peuvent être extraits de manière non durable et avoir des impacts environnementaux significatifs. Notre article sur les enjeux géostratégiques des énergies renouvelables ici.  
  • L'extraction des terres rares peut impliquer des méthodes minières qui génèrent des déchets solides, des rejets d'eaux usées contenant des produits chimiques toxiques et des émissions de gaz à effet de serre. Elle peut perturber les écosystèmes locaux, détruire des habitats naturels et avoir un impact sur la biodiversité.  
  • La fabrication des batteries et des véhicules électriques nécessite une quantité considérable d'énergie. Si cette énergie provient de sources fossiles, elle contribue indirectement aux émissions de gaz à effet de serre.  
  • Les batteries au lithium-ion ont une durée de vie limitée et finissent par perdre de leur capacité de stockage d'énergie au fil du temps. « L’obligation de recyclage d’une batterie lithium-ion n’est pour le moment que de 50% en Europe. Le coût environnemental de ces batteries est toujours très élevé (100 kg CO2  émis par kWh produit) : il est estimé à environ 5,5 tonnes de CO2  par cycle de vie de la batterie d’un petit véhicule électrique (10 ans, 150 000 km), dont  ̴ 3,2 t pour la phase de production ( ̴ 6,6 t pour le véhicule complet) et  ̴ 2,3 t pour la phase d’utilisation (cumul des charges) ».4 

Sans un investissement conséquent dans la R&D permettant le recyclage complet et l’allongement des batteries au lithium-ion, l’électrification de nos usages semble avoir des externalités positives encore limitées.

Si vous n'êtes toujours pas convaincus, je vous propose toutefois cette démonstration amusante de Charles Rivoire qui fait une comparaison anachronique entre les véhicules thermiques et éléctriques. 

 

L’écologie sans sobriété a-t-elle un sens ? 

 

 

Alors certes, les énergies propres et renouvelables semblent convaincre de plus en plus les investisseurs institutionnels et privés. Il est difficile de s’en réjouir lorsque l’on sait que selon le scénario de l’EIA (Energy Information Administration), la consommation mondiale d’énergie primaire pourrait augmenter de 46,9% entre 2018 et 20505 

 

Même si les investissements devaient se tourner majoritairement vers les énergies renouvelables à l’avenir (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui d’après les interprétations misent en exergue dans cet article), ce scénario n’est pas compatible avec les limites de notre planète et les objectifs de l’ONU.  

Selon le scénario de l’EIA, « la demande mondiale va augmenter pour toutes les sources d’énergie, y compris fossiles (même si les énergies renouvelables devraient connaître la plus forte croissance sur la période). En 2050, les énergies fossiles pourraient encore compter pour 69% de la consommation mondiale d'énergie primaire, contre 80% en 2018 d'après les estimations de l'EIA ». 

La science montre clairement que pour éviter les effets les plus graves du changement climatique et maintenir une planète habitable, l’élévation de la température mondiale doit être limitée à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.  

Actuellement, la température à la surface du globe est déjà supérieure d’environ 1,1 °C par rapport à la température enregistrée à la fin des années 1800, et les émissions continuent d’augmenter.  

Pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C, il convient de réduire les émissions de 45% d’ici à 2030 et d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050. 

Plus de 70 pays, parmi lesquels les plus grands pollueurs – la Chine, les États-Unis et l’Union européenne – ont fixé un objectif de zéro émission nette, couvrant environ 76% des émissions mondiales.  

Plus de 3000 entreprises et institutions financières ont établi des objectifs fondés sur la science conformes à l’objectif de zéro émission nette, et plus de 1 000 villes, plus de 1 000 établissements d’enseignement et plus de 400 institutions financières ont rejoint la campagne « Objectif zéro » et s’engagent à prendre sans délai des mesures rigoureuses pour réduire de moitié les émissions mondiales d’ici à 2030. 

Les engagements pris par les gouvernements jusqu’à présent sont loin d’être suffisants. La mise en œuvre des plans nationaux actuels en faveur du climat – pour les 193 Parties à l’Accord de Paris – entraînerait une augmentation considérable de près de 14% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2010.  

Pour atteindre l’objectif de zéro émission nette, tous les gouvernements, et avant tout les plus grands émetteurs, doivent renforcer sensiblement leurs contributions déterminées au niveau national et prendre sans délai des mesures ambitieuses pour réduire les émissions dès maintenant6. 

 

 

Les multinationales et les gouvernements continuent de piller impunément les ressources naturelles de notre planète. Le pétrole, le gaz naturel et les minéraux continuent d’être extraits sans aucune considération pour la fragilité des écosystèmes déjà bien mis à mal.  

Le réchauffement climatique s'accélère à un rythme alarmant, menaçant la vie sur Terre telle que nous la connaissons. Les énergies fossiles, véritables fléaux écologiques, sont en grande partie responsables de cette catastrophe imminente.  

Les grandes industries énergétiques et les lobbys font malheureusement tout leur possible pour conserver cette manne financière et ralentir la mise en place d’un cadre juridique strict et harmonisé, permettant de donner les outils pour endiguer la catastrophe qui advient.  

Le GIEC souligne dans ses rapports que les émissions de gaz à effet de serre provenant de la combustion des combustibles fossiles (comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel) sont la principale cause du réchauffement climatique observé au cours des dernières décennies. Selon ses évaluations, une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre est nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à un niveau soutenable. 

Ses membres reconnaissent également qu’il est désormais vital d'accélérer la transition énergétique vers des sources d'énergie à faibles émissions carbone, telles que l'énergie solaire, l'énergie éolienne, l'énergie hydroélectrique et l'énergie nucléaire. À condition seulement de repenser nos modes de consommation à l’aune de la sobriété.  

 

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Sources :1 Estimation effectuée en faisant une moyenne du Capex (€/kW) des énergies photovoltaïques selon les données 2020 de la RTE : https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques2 https://www.connaissancedesenergies.org/lelectricite-dans-le-monde-en-2021-annee-de-records-2203303 https://www.carbone4.com/analyse-faq-voiture-electrique4 https://culturesciences.chimie.ens.fr/thematiques/chimie-physique/electrochimie/le-recyclage-des-batteries-li-ion5 https://www.connaissancedesenergies.org/la-consommation-mondiale-denergie-pourrait-quasiment-augmenter-de-moitie-dici-2050-2202186 https://www.un.org/fr/climatechange/net-zero-coalition

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