Circuits courts, captation de la pollution, revalorisation des déchets, énergie propre et non intermittente : découvrons les vertus du Biogaz avec Frédéric Flipo de chez Evergaz

Frédéric Flipo est co-fondateur et Directeur Général Délégué chez Evergaz. Acteur majeur en Europe dédié à la production et aux usages des gaz renouvelables depuis plus de 15 ans, le groupe Evergaz développe et gère des solutions de traitement des déchets organiques des territoires qu’il valorise en énergie renouvelable et en fertilisant naturel. Il est aujourd’hui le seul pure player européen du biogaz à être présent dans 3 pays différents.

Depuis l'ouverture de la première unité en 2014, la société exploite désormais 26 centrales de biogaz, dont 11 en France, 13 en Allemagne et 2 en Belgique pour un total de 48 MWe de puissance installée (12 350 Nm3/h de biométhane) faisant d'Evergaz SA un leader européen sur cette technologie de valorisation des déchets organiques. 

En 2021, Evergaz SA emploie 103 collaborateurs œuvrant pour la réussite de ses projets, et a généré 22 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé. Evergaz c’est également 1,1 million de tonnes de déchets traités par an, pour une capacité de production de 48 MWe, équivalent à 12 350 Nm3/h de biométhane.

Cela permet d’éviter l’émission de 140 000 tonnes de CO2 par an et alimente aujourd’hui l’équivalent de plus de 180 000 personnes en énergie.

 

Mr. Flipo, pourriez-vous vous présenter succinctement et nous expliquer ce qui vous a poussé à fonder Evergaz ?

Je suis tombé dans la marmite du biogaz très jeune. Lorsque j’étais étudiant à la SKEMA à Lille, je me rendais en cours sur la première ligne expérimental de bus roulant au biogaz. Le hasard a fait que je me suis assis à côté du fils de la personne en charge du développement de ce projet.

Plus tard, et après avoir sympathisé, nous avons passé un samedi après-midi à essayer la R19 de son père qu’il avait modifié pour qu’elle puisse rouler au biogaz. J’ai alors compris que j’avais affaire à un véritable pionnier ! Très vite, l’idée de réutiliser nos déchets organiques pour créer de l’énergie m’a semblé très pertinent économiquement comme écologiquement.

J’ai ensuite entamé ma carrière dans le domaine de l’asset management et j’ai recroisé la route du biogaz en 2005, en investissant dans des entreprises en Allemagne. Il s’agissait soit de producteurs de Biogaz ou d’équipementiers spécialisés dans la production d’équipements pour les unités de méthanisation.

En 2006, après le solaire et l’éolien, sont apparus les tarifs bonifiés pour produire du Biogaz en France. Avec les autres co-fondateurs d’Evergaz nous est venue l’idée de créer un opérateur intégré du biogaz en France, en s’appuyant sur les tarifs d’achat et sur la technologie de méthanisation allemande.

En mai 2008, nous avons créé Evergaz en mobilisant des Friends & Family, puis des Family Offices, puis des fonds d’investissement qui nous ont accompagné dans cette aventure. Alain Planchot a pris la présidence du groupe en 2016.

Il faut savoir qu’à l’époque, en France, tout était à faire car le secteur n’était pas encore solvabilisé. Ce sont les tarifs d’achat qui ont réellement permis de changer la donne et de rendre les projets viables.

 

La particularité de cette énergie renouvelable est que nous devions identifier et sécuriser des approvisionnements en déchets à long terme. Voilà pourquoi, très vite, nous nous sommes rapprochés des agriculteurs pour codévelopper et codétenir des projets avec eux.

 

Après 15 ans d’existence, Evergaz s’est imposé comme un acteur majeur en France et en Europe. Avec le recul et votre expérience dans le domaine, pourriez-vous nous dire comment a évolué le marché du biogaz sur cette période ?

Après un démarrage progressif du fait de sa nouveauté entre juin 2006 et 2012, le marché du biogaz a accéléré en France notamment sous l’impulsion de la mise en place d’un tarif de rachat du biométhane.

Entre 2006 et aujourd’hui, les gouvernements successifs ont ainsi amélioré les cadres réglementaires et tarifaires afin de donner de la visibilité aux porteurs de projets à l’image du dernier décret publié en date du 10 juin 2023.

En parallèle, dans les autres pays européens, des mécanismes de soutien au développement du biogaz ont été mis en place notamment en Allemagne, en Belgique, en Italie…

 

 

Après avoir été porté par la cogénération (production combinée d’électricité injectée dans les réseaux de distribution d’électricité et de chaleur vendue à des industriels), c’est à présent l’usage du « biométhane » (gaz vert) pour remplacer le gaz naturel (fossile) dans ses différents usages (chauffage, industrie…) qui tire la croissance du marché.

L’usage du biométhane comme carburant (BioGNV) s’est également développé afin de faire baisser les émissions de particules et de permettre à des véhicules de respecter les contraintes des « zone à faibles émissions » (ZFE).

 

Quels sont les critères qui vous permettent de choisir l’emplacement d’une centrale au biogaz ? Comment se font les partenariats entre les agriculteurs et les collectivités locales ? Pourriez-vous nous rappeler quels sont les bénéfices du biogaz pour une exploitation agricole ?

La disponibilité des intrants sur un territoire est un des critères principaux tout comme la capacité de raccordement aux réseaux de distribution (gaz et/ou électricité).

Evergaz s’attache à développer ses projets avec des acteurs locaux (agriculteurs, industriels, collectivités locales). En effet, le groupe est convaincu que la dimension de co-investissement est un facteur de succès clé dans le développement et l’exploitation des installations.

Il permet à la fois d’assurer l’approvisionnement en intrants et des débouchés pour les plans d’épandage du digestat, d’insérer le projet dans une logique de territoire et d’intégrer les acteurs locaux dans la finalité de l’exploitation et la réussite du projet.

 

La méthanisation (et donc le biogaz) permet aux agriculteurs de valoriser des effluents animaux (fumier et lisier) en énergie et en engrais (digestat) ainsi qu’un moyen de diversifier leur activité économique en devenant producteur d’énergie.

 

La production de biogaz constitue un parfait exemple d’économie circulaire puisque les matières organiques produites sur un territoire sont valorisées localement sur le site de méthanisation, sous forme de chaleur distribuée pour le chauffage de bâtiments ou des besoins industriels, sous forme d’électricité ou de biométhane injectés dans les réseaux locaux, avant que le digestat ne retourne à la terre comme fertilisant de cultures.

 

Une centrale au biogaz peut-elle être compatible avec l’agrivoltaïsme ? Est-ce un combo intéressant selon vous ?

 

 

Oui, elle est compatible. Avec la hausse des prix de l’énergie, l’autoproduction d’électricité sur les exploitations agricoles est devenue très intéressante. J’en discutais justement avec un syndicat d’énergie en Mayenne qui me confirmait récemment que l’agrivoltaïsme combiné au biogaz permettait de méthaniser les effluents produits par l’activité d’élevage pour produire de l’énergie.  

Par ailleurs, le procédé de méthanisation nécessite l’apport d’une énergie électrique que les panneaux photovoltaïques peuvent apporter.

Néanmoins, c’est à l’agriculteur exploitant des terrains de déterminer l’intérêt de combiner les deux en fonction de ses besoins.

 

Comme toutes les EnR, le biogaz est sujet à certains amalgames et ne rencontre pas toujours l’adhésion des populations. On entend souvent dire, par exemple, que les centrales sont émettrices de GES, que les transports du biogaz et des déchets pour alimenter les centrales créent de la pollution ou encore que des terres sont cultivées uniquement dans le but de fournir les centrales en déchets bio-organiques au détriment de l’alimentaire... Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Au tout début la plupart des gens ne savaient pas vraiment ce qu’était le biogaz et donc, à ma connaissance, il n’y avait pas de réticences. Malheureusement, certains acteurs, aux lieux de répondre aux problèmes légitimement signalés par les riverains, ont préféré nier plutôt que de trouver des solutions. Cela a fait de la mauvaise pub au biogaz qui, aujourd’hui encore, peut injustement en pâtir.  

Il faut savoir que nous sommes contrôlés régulièrement par les services préfectoraux et que la grande majorité des méthaniseurs, dont ceux exploités par Evergaz, ont fini par convaincre par leurs performances et leur impact positif pour l’environnement.

Nos centrales en opération ont d’ores et déjà une empreinte carbone limitée, que nous nous employons à réduire encore davantage. Au-delà de notre empreinte propre, notre ambition est de participer largement à la décarbonation de l’économie à travers notre activité. La méthanisation est avant tout une solution de traitement et de valorisation des déchets.

 

Pour rappel, le méthane est 28x plus contributeur au réchauffement climatique que le CO2. Qu’est-ce que cela signifie ? Que le méthane que nous captons pour être utilisé dans nos centrales et produire de l’énergie, c’est du méthane qui n’est plus rejeté dans l’atmosphère. De plus, les déchets non collectés et laissés à l’air libre peuvent se répandre dans les rivières ou dans les nappes phréatiques en cas de fortes précipitations.

 

Quand bien même une très faible déperdition serait à signaler sur un méthaniseur, en dirigeant la totalité des produits fermentescibles comme le fumier dans une centrale au biogaz, nous transformons quasiment 100% de cette pollution existante en énergie que l’on injecte dans les réseaux.

Dans notre secteur, les émissions de méthane sont finalement très résiduelles et sont de l’ordre du dixième de pourcent. Nous effectuons constamment des recherches de fuite, des thermographies et des contrôles d’émissions. Sans l’existence des méthaniseurs finalement, les déchets laissés à l’air libre seraient bien plus nocifs.

Nous n’avons aucun intérêt à ce que la moindre particule de méthane nous échappe puisqu’il s’agirait pour nous d’une perte de production et donc de chiffre d’affaires.

Le biogaz permet également de substituer le gaz naturel par le biométhane et de remplacer les engrais azotés de synthèse (issu des énergies fossiles) par le digestat. Ainsi, à chaque étape de notre production, nous contribuons fortement à la lutte contre le dérèglement climatique. En 2021, nous avons ainsi permis d’éviter en net l’émission de plus de 143 ktCO2eq de GES.

 

 

Quant aux transports utilisés pour acheminer la biomasse aux méthaniseurs, cela est compris dans le calcul des émissions nettes évitées. Une fois de plus, sans les centrales et même sans les transports nécessaires pour alimenter ces centrales, le bilan carbone est plus favorable que si rien n’était fait pour valoriser les déchets organiques.

 

En outre, nos transporteurs nous livrent de plus en plus en camions eux-mêmes alimentés au biogaz et, les centrales se fournissent en partie, avec de la biomasse qui est produite dans un rayon de 30 à 40km en moyenne.

 

Je pense qu’il y a eu un amalgame entre les fuites de méthane de l’industrie gazière basée sur le gaz fossile et le méthane que nous captons. Le gaz naturel, dans toute sa chaîne d’extraction, de transformation et de transport connait des pertes qui sont effectivement rejetées dans l’atmosphère.  Nous, au contraire, nous captons le méthane préexistant et le transformons en énergie renouvelable ou en carburant.  

Pour répondre à votre question sur les cultures alimentaires, il est important de rappeler que la loi encadre très strictement le déploiement des cultures énergétiques.

Il faut savoir également qu’en France, comme en Allemagne, les terres sont disponibles pour la production de biogaz car les gens ne consomment plus assez de produits textiles et agro-alimentaires locaux. Il s’agit donc d’une alternative financière intéressante pour les agriculteurs.

 

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Le Biogaz peut-il être une solution afin de pallier l’intermittence des énergies comme le solaire et l’éolien ?

(Lire notre article pour en savoir plus sur l’intermittence des énergies renouvelables et les solutions de stockage)

Le facteur de charge visé par Evergaz sur une centrale Biogaz est de 96%. Pour rappel, le facteur de charge d’une unité de production électrique est le ratio entre l’énergie produite sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite durant la même période si elle avait constamment fonctionné à puissance nominale. Le solaire, par exemple, dépend du taux d’ensoleillement, l’éolien du vent, l’hydraulique de la disponibilité en eau, etc. 

Comment arrive-t-on a un pourcentage si élevé ? Le principe est simple ; nous collectons et nous stockons des déchets ; liquides, solides, pâteux. Ensuite nous les broyons, nous les hachons, nous les chauffons, nous les mélangeons… cela fonctionne comme un Thermomix finalement.

Nous allons donc préparer notre recette de cuisine pour les bactéries, leur fournir le même repas toutes les heures, ce qui permet de générer du biogaz de façon constante grâce au processus de digestion. Les épurateurs et les moteurs sont donc dimensionnés pour absorber la production horaire quasiment sans intermittence.

 

Le biogaz, comme le nucléaire ou le gaz naturel, est donc une énergie non intermittente qui ne dépend pas des conditions climatiques. En produisant 96% du temps à pleine puissance, nous garantissons la fourniture d’électricité 96% du temps.

 

De plus, le gaz se stocke très facilement. Actuellement, en Allemagne, nous modernisons une centrale pour augmenter ses capacités de stockage et ne produire que 8 heures par jour durant les heures de pointe. On répond ainsi à l’augmentation de la demande temporaire sans avoir à redémarrer une centrale à charbon ou au gaz naturel.

 

Comment maîtrisez-vous l’empreinte carbone de l’installation et du démantèlement d’une centrale au biogaz ? Les matériaux peuvent-ils être facilement réemployés et revalorisés ?

La durée de vie moyenne d’une centrale est de 35 ans et peut être prolongée via des opérations de maintenance et de réinvestissements. Cela s’inscrit dans la continuité des missions de la société qui travaille quotidiennement à limiter son impact environnemental.

Si demain nous devions arrêter un site parce qu’il est obsolète, il faut savoir que pas mal de choses pourraient être revalorisés. Les stockages peuvent servir à d’autres matières agricoles, les cuves étanches et isolées permettent de stocker de l’eau et, en dernier recours, ces dernières sont détruites et le lieu rendu à son usage initial.

 

Sachant que les sites, de plusieurs hectares, restent connectés au réseau de gaz, au réseau électrique et sont viabilisés. On peut donc facilement imaginer un nouvel usage industriel ou tertiaire par la suite.

 

Aucune dépollution n’est nécessaire car en traitant uniquement des déchets organiques, les sols, les cours d’eau et les nappes phréatiques sont préservées.

 

Dans un contexte géopolitique incertain, en quoi le biogaz tire-t-il son épingle du jeu ?

La guerre en Ukraine a mis le biogaz sur le devant de la scène dans un souci (et un quasi-impératif) de souveraineté énergétique, notamment vis-à-vis du gaz naturel russe (fossile). Il y a donc un enjeu de souveraineté en plus de l’enjeu environnemental.

La filière biogaz estime que la production française de biométhane pourrait représenter 20% de la consommation française de gaz en 2030.

 

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les perspectives de développement du BioGNV ?

L'utilisation de gaz comme carburant (GNV) dans les transports est déjà largement répandue, principalement dans les transports en commun (bus) et distribution (camion).

 

Cela permet de forts avantages environnementaux (diminution des particules fines et des NOx de 95% et 50% respectivement selon la norme Euro IV). Le biométhane (bioGNV) tel que produit par le groupe Evergaz permet en outre de réduire de 80% les émissions de CO2.

 

Les rapports du GIEC étant toujours plus alarmants et le réchauffement climatique se faisant de plus en plus ressentir, pensez-vous que le développement des EnR sera suffisant pour répondre aux enjeux écologiques ? Faudra-t-il adapter nos modes de consommation ou aller vers une plus grande sobriété énergétique à terme ?

Tout le monde va devoir jouer un rôle : industriels, particuliers, pouvoirs publics…

Concernant spécifiquement les EnR, les ambitions ont été rehaussées en France et en Europe. Nous avons un enjeu de production et la filière biométhane française est la seule qui dépasse déjà les objectifs qui lui avaient été précédemment assignés.

 

Pensez-vous que des plateformes de financement participatif comme Lumo soient une bonne chose pour développer le financement des EnR comme le biogaz ? Pourquoi ?

Totalement. Evergaz a déjà eu recours au financement participatif via LUMO afin de financer le développement de ses sites de méthanisation, et nous en sommes ravis.

Le développement des EnR nécessite des investissements importants. Le financement participatif peut intervenir en complément d’outils de financement plus traditionnels (financement bancaire notamment).

Le financement participatif permet d’associer l’ensemble des citoyens à la transition énergétique en contribuant à son développement, mais également en bénéficiant de ses retombées économiques.

 

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