L’agrivoltaïsme : l’énergie solaire au service de la transition écologique et de la valorisation des terres agricoles – Rencontre avec Romain Marpaux de chez Technique Solaire

Créé en 2008 par trois associés experts du secteur (Julien Fleury, Lionel Themine, Thomas De Moussac), Technique Solaire est un producteur indépendant d’énergies renouvelables (solaire/méthanisation) en France et à l’international, maîtrisant l’ensemble de la chaîne de valeur : développement, études et conception, financement, construction, exploitation et maintenance.  

Nous avons rencontré Romain Marpaux, chef de projet Développement Photovoltaïque au sol et flottant au sein du groupe. Diplômé de l'école d'ingénieurs de l’Institut National Polytechnique de Grenoble en 2018, Romain s’est rapidement spécialisé dans les énergies renouvelables et plus particulièrement dans l’hydraulique et le solaire. Passionné par son métier et expert de l’agrivoltaïsme, il répond à nos questions sur le sujet. 

 

Dans le cadre de vos missions, quels types d’installations agrivoltaïques proposez-vous à vos clients ? 

L’idée est de proposer une solution complète et flexible pour l’exploitant agricole. Nous proposons aussi bien des solutions pour les éleveurs (volailles, ovins, bovins) que pour les céréaliers, maraichers ou arboriculteurs. Elles apportent toutes confort de travail et bien-être animal. 

Technique Solaire est pionnier en France dans le développement de volières d’élevage. Nous collaborons d’ailleurs avec l’INRAE (Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) pour étudier l’impact des volières photovoltaïques sur les élevages de volaille, notamment dans le but de déterminer quelle est l’influence des panneaux solaires sur l’utilisation du parcours extérieur par les volailles.

Investir dans les énergies solaires


Nos structures permettent également de limiter la propagation de la grippe aviaire dont les oiseaux migrateurs sont les principaux propagateurs et de proposer gratuitement aux éleveurs un parcours pour les volailles. 
 

Nous concevons des abris climatiques afin de limiter les problèmes liés aux aléas climatiques, de gel et de sécheresse pour les arbres fruitiers et les vignes et des serres qui permettent d’alterner entre panneaux solaires et vitres afin d’assurer un taux parfait d’ensoleillement selon la plantation.  

Dans le cadre des parcs adaptés à l’élevage ovin, nous développons des structures intégrant des abreuvoirs, des clôtures, nous ajustons la hauteur sous panneau pour laisser paître le bétail à l’ombre lorsqu’il fait chaud, etc.  

Nos installations permettent également de sécuriser le cheptel, d’éviter les vols ou les attaques de prédateurs. Le bien-être animal est une considération de premier plan dans nos études. Il a d’ailleurs pu être observé que la mortalité était moins importante dans les troupeaux lorsque les bêtes, surtout les bébés, avaient la possibilité de passer leurs journées à l’ombre en période de fortes chaleurs.  

Il arrive aussi souvent que les agriculteurs nous demandent d’associer une petite centrale en autoconsommation afin de répondre aux besoins de leur exploitation agricole. 

 

Ce qu’il faut retenir avant tout, c’est que nous nous adaptons complètement aux besoins de l’agriculteur et nous construisons un projet sur mesure, avec lui. Les infrastructures sont totalement financées par Technique Solaire et l’agriculteur profite d’installations neuves et touche dans certains cas une rémunération pour l’entretien de la végétation. Dans la plupart des cas l’énergie produite et réinjectée dans le réseau public afin que nous puissions rembourser les coûts d’investissement.  

 

Une ferme solaire peut coûter très cher mais représente un investissement peu risqué, nous proposons régulièrement une possibilité d’investissement citoyen. C’est d’ailleurs pour cela que nous faisons appel à des plateformes de financement participatif comme Lumo pour soutenir le développement de nos activités et de nos projets.   

  

Quelles sont les caractéristiques d’un terrain idéal pour héberger des installations solaires ? Comment procédez-vous pour les sélectionner ?  

En dehors de l’agrivoltaïsme, pour les projets au sol, nous cherchons d’abord à revaloriser des terrains dégradés ou pollués : friches industrielles, parkings, anciennes carrières, zones de stockage de déchets, etc. L’Etat favorise ce type de projets en permettant une obtention des autorisations administrative facilitée et nous bénéficions souvent de tarifs plus avantageux pour la revente de l’énergie ce qui permet de donner une seconde vie à des sols inexploitables pour d’autres activités. Ces terrains se font cependant de plus en plus rares et c’est pour cela que l’agrivoltaïsme est un enjeu majeur pour le développement de l’énergie solaire car les objectifs fixés pour 20501 sont encore loin d’être atteints.  

Dans le cadre des terres agricoles, il faut répondre à de nombreuses prérogatives validant la pérennité du projet et l’intérêt agricole. Pour obtenir un permis de construire, la DDT (Direction Départementale des Territoires) va consulter au préalable tous les services de l’Etat, notamment celui de la Chambre d’Agriculture Départementale. L’idée est vraiment de s’assurer que le projet agrivoltaïque prévoit une vraie production agricole, qui soit cohérente avec la politique agricole menée au niveau local. 

  

Essayez-vous de limiter au maximum l’artificialisation des sols lors du développement de projets agrivoltaïques ? 

Bien sûr. Il faut savoir que, dans le cadre de l’agrivoltaïsme, les sols ne sont pas artificialisés. Seuls les postes de transformation et de livraison induisent une imperméabilisation totale de la surface concernée (15 à 21m2 de surface en moyenne).  Ces éléments contiennent les transformateurs, qui permettent de transformer le courant produit par les panneaux à la bonne tension afin de pouvoir la réinjecter dans le réseau public, ainsi que les dispositifs de sécurité. Pour 200 000 m² de panneaux solaires, seulement deux postes de transformation et livraison sont nécessaires ce qui, en comparaison à d’autres infrastructures énergétiques, présente un taux très faible d’artificialisation.  

 

Pour aller plus loin : 10 idées reçues sur les énergies solaires

 

Les panneaux solaires, quant à eux, sont fixés au sol grâce à des pieux battus d’une certaine longueur déterminée en amont via nos études géotechniques. Il est très simple de les retirer et les installations sont complètement réversibles. Le sol retrouve, après usage, toutes ses fonctionnalités écologiques.   

Nous réfléchissons également beaucoup à l’espacement entre les rangées afin de s’adapter à la taille des machines de l’agriculteur, de limiter la couverture de la prairie et de permettre à la pluie de s’écouler convenablement et de pénétrer les sols pour remplir les nappes phréatiques. Une étude de l’INRAE menée sur une année complète a d’ailleurs prouvé qu’avec ou sans panneaux, la courbe de pousse de l’herbe au cours de l’année est modifiée mais la quantité d’herbe restait la même2.

L’herbe pousse seulement à différents moments ce qui est même un avantage pour les exploitants. Comme elle pousse majoritairement au printemps et se trouve souvent brûlée par le soleil en été, cela impose d’anticiper le fauchage, le stockage et le fourrage pour nourrir les bêtes durant les périodes de sécheresse. Or, avec les installations solaires, la courbe de pousse s'étale sur une plus large période. L’herbe commence à pousser plus tôt dans l’année, poussera un peu moins au printemps mais sera toujours disponible en été pour les animaux. 

   

L’agrivoltaïsme semble se démocratiser mais rencontre encore parfois quelques réticences. Quelles sont, selon vous, les bénéfices que peuvent tirer les agriculteurs et les collectivités territoriales de telles infrastructures ? 

Il est important, je crois, d’insister sur le fait que le projet agricole reste prioritaire. Avant de nous implanter, nous vérifions que le business plan de l’exploitant est viable et qu’il laisse une part majoritaire au chiffre d'affaires de la production agricole. Le but est d’éviter de se retrouver avec des terrains agricoles uniquement dédiés aux panneaux photovoltaïques, ce qui serait une hérésie dans un contexte où le foncier est de plus en plus rare et l’indépendance alimentaire un enjeu stratégique.  

Si cela est de plus en plus rare et surveillé de près par les collectivités territoriales et les chambres d’agricultures, nous veillons également de notre côté à toujours valoriser la filière agricole. Si nous rencontrons un agriculteur spécialisé dans les céréales et qu’il nous dit vouloir développer une activité ovine afin de pouvoir accueillir une ferme solaire sur son terrain, nous prendrons toutes les précautions nécessaires pour savoir s’il en a réellement l’expertise et si cette transition est adaptée au contexte local.  

Il est vrai que certaines personnes sont plus frileuses que d’autres au sujet de l’agrivoltaïsme, mais cela provient majoritairement de fausses rumeurs au sujet du solaire. On entend souvent que les panneaux solaires sont fabriqués avec des terres rares, ce qui est faux, qu'ils ont une durée de vie de seulement 10 ans alors qu’ils produisent encore significativement au bout de quarante ans ou encore que des ondes vont venir perturber les troupeaux, etc.  

L’agrivoltaïsme permet d’apporter un réel revenu complémentaire aux éleveurs et aux agriculteurs. Malgré la passion de celles et ceux qui font ce métier, tout le monde sait pertinemment que c’est une activité difficile, peu rentable, chronophage et qui nécessite de nombreux sacrifices. Le renouvellement des générations est d’ailleurs une vraie problématique dans le secteur agricole.  

Dans le cas des éleveurs français d’ovins, la filière est tellement désertée que nous produisons seulement 40% de ce que l’on consomme. Il y a donc une possibilité de viabiliser en partie nos exploitations grâce à un complément de revenus intéressant ce qui peut, à terme, relocaliser une partie de la production sur le territoire.  

Actuellement, nous sommes d’ailleurs en train de développer un projet dans lequel l’éleveur a pour ambition de réinvestir les revenus dégagés par la centrale solaire dans un supermarché bio et local et dans la revalorisation de la laine des moutons. Il faut savoir qu’en France, les normes sont très strictes dans ce secteur et nettoyer une laine coûte tellement cher que la filière n’est pas rentable. Résultat : la laine est souvent jetée.  

 

Je suis convaincu que l’agrivoltaïsme est vraiment adapté aux besoins énergétiques d’un pays comme la France. Étant donné sa nature coactive, elle permet de conserver la même production agricole, tout en produisant une électricité propre.  

  

Comme vous le disiez, on entend souvent dire que les matériaux des panneaux solaires ne sont pas toujours très écologiques (fabrication, réemploi, etc.). On sait que la filière progresse de plus en plus dans ce domaine en recyclant, parfois, jusqu’à 95% des éléments utilisés. Etes-vous optimistes à ce sujet ?  

Il faut savoir que la totalité des panneaux solaires est fait à environ 90% de trois matériaux :  le silicium, le verre et l’aluminium. Ces trois éléments sont complètement recyclables et facilement détachables les uns des autres. Le même silicium contenu dans un panneau peut être réutilisé jusqu’à 4 fois pour produire d’autres panneaux et le verre et l’aluminium sont réutilisables à l’infini. Sachant qu’un panneau a aujourd’hui une durée de vie de 40 ans minimum, on peut se dire qu'un pavé de silicium a un taux de réemploi plus qu’intéressant. Il s’agit, par ailleurs, du deuxième élément le plus présent sur terre après l’oxygène. La grande majorité des panneaux solaires utilisés dans le monde ne contient pas du tout de terres rares. Technique Solaire n’utilise aucun panneau en contenant. 

Aujourd’hui, nous recyclons très bien les panneaux solaires en fin de vie et la matière première contenue à l’intérieur est très bien revalorisée. Le moins bien recyclé aujourd’hui reste une partie du plastique contenu dans les gaines et les câbles qui ne peut pas toujours être transformé en combustible de récupération destiné à produire de la chaleur.  

 

Pour aller plus loinComment gérer les déchets et assurer le recyclage des équipements solaires ?

 

En France, c’est l’éco-organisme SOREN qui a la charge d’assurer le recyclage des panneaux solaires. Une écotaxe a été mise en place sur l’achat de tous les panneaux afin de financer en amont leur collecte et leur recyclage. La filière se structure de mieux en mieux en France et parviendra bientôt à produire une grande quantité de panneaux recyclés pour fournir les futures centrales solaires. Il en va de même pour de nombreux pays.  

  

La part des EnR ne cesse d'augmenter dans le mix énergétique européen et devient de plus en plus stratégique dans un contexte géopolitique tendu et des rapports du GIEC toujours plus alarmants. Le solaire va-t-il poursuivre son développement ? 

En effet, depuis la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l’énergie, nous avons ressenti une réelle volonté d'indépendance énergétique. Les gens n’étaient pas forcément toujours mobilisés autour de ces enjeux pourtant cruciaux. Très longtemps, l’énergie a été perçue comme quelque chose d’abondant qui arrivait comme par magie en appuyant sur un bouton. Or, ce n’est pas du tout le cas et les énergies fossiles, en plus d’être extrêmement polluantes, ne sont pas infinies. L’uranium non plus d’ailleurs. De plus en plus de foyers, d’entreprises ou d’exploitations agricoles sont en demande d’autonomie énergétique et le solaire est très plébiscité, car il est relativement simple et rapide à installer, propre et illimité. 

Cela demande toutefois d’adapter nos modes de consommation. Le solaire est une énergie intermittente, bien que d’après plusieurs études, l’alternance avec l’éolien semble très bien fonctionner. Toutefois, les recherches sur le stockage restent primordiales car les batteries au lithium posent des questions écologiques et leurs capacités sont pour le moment trop faibles par rapport aux besoins de stockage d’électricité dans le monde.  

 

Cependant, il faut savoir qu’aujourd’hui, en France, sur le territoire national, on utilise encore à midi, heure ou l’ensoleillement est le plus fort et où les panneaux solaires produisent le plus, un mix contenant des énergies fossiles (gaz, fioul, charbon…). C’est une aberration. La priorité est donc de remplacer complètement ces énergies par le solaire sur les créneaux où il est le plus productif. Pour cela, il faut continuer de développer le photovoltaïque pour profiter au maximum de son potentiel. 

  

Pensez-vous que des plateformes de financement participatif comme Lumo soient une bonne chose pour financer les énergies renouvelables ?  

Je trouve que c’est une excellente solution dans le sens où les projets sont bien plus facilement acceptés par la population quand elle peut s'impliquer. Laisser les habitants d’une communauté de communes investir dans un projet solaire à deux pas de chez eux est une démarche ayant vraiment du sens. Les gens peuvent ensuite profiter de la rentabilité du projet tout en comprenant mieux les enjeux de l’énergie renouvelable et les apports que cela peut avoir pour la collectivité. Les bénéfices sont donc partagés aussi bien par nous que par les investisseurs. La sensibilisation est, je pense, l’une des pierres angulaires pour accélérer la transition écologique.  

 

Ensuite, c’est la meilleure façon de savoir où va son épargne. Dans un contexte de prise de conscience des enjeux écologiques, les profils d’investisseurs évolueront et il sera de plus en plus important pour eux de savoir que leur argent ne sert pas à financer des énergies polluantes. Plutôt que de perdre de l’argent dans des fonds d’investissements opaques, autant soutenir les énergies renouvelables en toute transparence ! 

  

 


1 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/PPE_2020_en%204%20pages.pdf2 https://hal.inrae.fr/hal-03592786/document

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